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Il y a pour chaque poilu quinze heures de garde à prendre : douze heures de nuit, de sept heures du soir à sept heures du matin, et trois heures du jour.
Quant à nous qui travaillons, nous allons au dépôt de matériel, placé derrière la première section, à huit cents mètres à notre gauche, et nous rapportons des piquets en fer, des bobines de fil de fer barbelé, des sacs à terre... etc...
Ensuite, on grimpe sur le parapet, en faisant le moins de bruit possible, et on poste tout cela comme on peut. C'est d'autant plus embêtant, que, par intervalles, dans la nuit, les boches tirent quelques coups de mitrailleuses, probablement pour montrer qu'ils ne dorment pas.
Aujourd'hui, j'ai perdu mon copain Péters, le caporal martiniquais et l'aspirant Bardot, partis tous deux en permission.
Je regrette Péters, car c'était un bon camarade, mais quant à Bardot, je trouve que nous sommes bien débarrassés, car bien qu'il ait trois ans de plus que moi, il est beaucoup plus gamin et s'y connaît encore moins que moi, au point de vue front. Je n'y connais pourtant pas grand chose !
Comme l'autre nuit, par exemple, étant sur le parapet, il voulait allumer sa lampe électrique de poche, pour lire un ordre, ou encore, une idée qui le prenant de temps à autres d'aller poisser un fusil-mitrailleur ou une mitrailleuse de chez nous, pour prouver qu'il y avait des sentinelles qui dormaient.
Non, il a bien fait de partir ! et qu'il ne revienne plus, malgré qu'au point de vue caractère ce soit un charmant garçon, ce n'est pas un conducteur d'hommes ! Il est vrai que ça viendra un jour !
...La nuit suivante, je fais avec quelques camarades, une corvée de fils de fer, et ensuite, je m'installe pour le restant de la nuit au petit poste pour monter la garde... Je suis gelé...
Nous sommes deux pour prendre la garde. Pendant qu'il y en a un qui veille attentivement, l'autre s'enroule dans sa couverture et essaye de dormir. Mais l'humidité transperce tout : couverture, toile de tente, capote et au bout de cinq minutes, on en a assez, c'est intenable. On se met debout et on saute sur place, en s'intéressant aux lueurs des fusées ou aux traînées que font dans le ciel, les minenwerfer dont on entend le terrible craquement, quelques secondes plus tard.
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