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Nous remontâmes dans notre chambre vers quatre heures et demie et ce fut la soupe. Ensuite, je partis vers la cantine, seul plaisir qui me fut permis, puisque je ne sais pas jouer aux cartes, et, d'autre part, j'avais trop le cafard pour rester dans la chambre. Qu'y aurais-je fait ?
Le lendemain, nous partîmes, sitôt la soupe de dix heures, mangée. Nous devions monter sur la côte Saint-Michel, sorte de grand butte, qui se trouve devant Verdun, face à l'est. Nous passâmes devant le cimetière militaire du Faubourg-Pavé qui commençait à se garnir, puis de là vers la caserne Marceau, et, enfin, nous arrivâmes en haut sur la butte. Malheureusement, le temps était trop couvert. Autrement, nous aurions dû voir les lignes. Notre déception dura peu. Après une courte pause, pendant laquelle les boules de neige allèrent leur train, nous redescendîmes vers Miribel.
Après avoir mangé la soupe, nous nous couchâmes, satisfaits de notre journée.
Le lendemain matin, mercredi 9 février, un poilu s'était fait porter malade. Nous apprîmes par notre sergent, qu'il avait les oreillons. Aussitôt, l'exercice fut interrompu, pour la section. Nous fîmes nos ballots et nous partîmes nous loger dans un petit bâtiment, l'infirmerie de la caserne Radet en dehors de Miribel. Nous devions y être en observation, en cas de contagion.
Nous nous installâmes là, une huitaine par chambre; nous étions très bien et ne regrettions nullement les chambrées de la caserne. L'après-midi, nous devions passer à la vaccination anti-thyphoïdique. Nous nous mettions nus jusqu'à la ceinture, car la piqûre se faisait derrière l'omoplate gauche à l'aide d'une seringue Pravaz. Je ne voyais pas mon tour s'avancer sans appréhension. En effet, je constatais que tous les poilus qui passaient, faisaient une singulière grimace. Dès ce moment je fus bien convaincu, que ce devait être une souffrance terrible, d'autant plus terrible, que l'aide, avant de passer, tout en badigeonnant l'endroit à piquer, à la teinture d'iode, nous murmurait : "Surtout ne bougez pas. Si l'aiguille cassait dans votre peau, ce serait une sale affaire !"
Enfin, mon tour arriva. Badigeonnage, puis en avant pour la piqûre. Instinctivement, je serrais les dents. Je sentis le major me prendre la peau entre deux doigts, une légère piqûre et ce fut tout. Ce n'était pas bien terrible, et je regrettais sincèrement mon moment d'émotion.
Nous nous rhabillâmes, et, en ordre, nous retournâmes à l'infirmerie.
Lorsqu'on venait d'être piqué, on avait droit, d'autorité, à 24 heures de repos. Le lendemain, donc, nous restâmes dans nos chambres, ayant comme seule nourriture, de la soupe et des légumes, le tout submergé par l'eau et le café qui nous servaient de boissons. En effet, on ne devait pas manger de viande, ni boire d'alcool, sous peine de fièvre.
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