Login  |  MeToo  |  Wax  |  14-18  |  Photos  |  Comics  |  Games  |  Term  |  Rally  |  Users    
home

     Les cuisines roulantes se trouvent, ainsi que la coopérative du régiment, sur notre gauche, dans un ravin à deux ou trois cents mètres en arrière de la première ligne.

     D'ailleurs, notre coin est un des plus calmes du secteur : le bombardement ne se fait guère sentir que sur les Eparges-village, à notre gauche, et sur l'Eperon, à notre droite.

     Quant à nous, nous nous trouvons à l'emplacement du village de Saint-Rémy. Je dis emplacement, car il n'en reste plus rien, que quelques pierres, qui ont servi à consolider les parapets rembourrés de cadavres...

     A dix heures et à dix-sept heures, des hommes de corvée appartenant à la compagnie de réserve nous apportent la soupe. Mais, comme ils ont pris soin de manger eux-mêmes avant de venir, c'est froid. De plus, nous ne pouvons pas manger de suite, il faut les accompagner aux sections dont ils ne connaissent pas encore l'emplacement. Je conduis ceux des deuxième et troisième sections, et en route... En arrivant, un poilu, nous apercevant, se met à brailler, à l'entrée de la sape :
     "A la soupe, là-dedans !"

     Mais ça ne fait pas l'affaire des veilleurs :
     "Tu vas fermer ta gueule ! Espèce de c... endimanché ! Tu veux nous faire recevoir des grenades sur la gueule !"

     En effet, ils ont raison... En arrivant, j'ai transmis les conseils de l'officier du 41, aux poilus, en leur disant de ne pas faire de bruit, car les boches ne sont à cet endroit, qu'à trente-cinq mètres de nous. Aussi, les veilleurs s'en souvenant, veulent-ils faire respecter les traditions ! Et ils y réussissent.

     Mais, nouveaux cris de la part des poilus, en voyant la soupe figée :
     "Ah vous vous en faites pas ! Vous avez becqueté chaud, vous autres hein ? Mais attendez qu'on soit en réserve. On se les calera d'abord, et on viendra quand on pensera à vous !"

     Enfin, ça se calme. Les caporaux font le service, et nous repartons. Les poilus ont bien gueulé, mais que dirais-je, moi, qui en rentrant, trouve tout gelé. Je bouffe, néanmoins les vieux fayots et la barbaque, en caoutchouc Michelin et je fume par là-dessus une bonne cigarette... et le moral s'en trouve remonté...

page précédente
page 9
page suivante