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A six heures, nous arrivons à Rennes, où nous faisons la pause jusqu'à neuf heures. Encore un changement à Chartres, pour prendre la direction d'Orléans, Montargis, Sens, Joigny, etc...
Tout en roulant, nous discutons sur les derniers évènements arrivés au 155, qui sont parvenus à notre connaissance, par des lettres écrites du régiment à des copains du dépôt
A Joigny, on accroche à notre train, deux wagons de voyageurs transportant des convoyeurs américains. L'un d'eux nous explique en mauvais français qu'il y a plusieurs jours qu'ils voyagent et qu'ils n'ont plus de pain, aussi nous offre-t-il de nous acheter une boule pour trente sous. Nous lui en donnons. Puis, comme nous sommes là une bonne équipe, nous rassemblons tout ce que nous avons comme pinard et comme pain disponible et nous filons à six, vers le wagon des américains.
J'ai avec moi, un caporal martiniquais, nommé Péters, qui parle anglais, et comme je connais un peu l'espagnol et l'allemand probablement que nous réussirons à nous entendre.
Nous montons tous les six dans un compartiment de ces vieux wagons sans couloir, où se trouvent déjà huit américains. Nous sommes serrés là-dedans comme de pauvres voyageurs de métro.
Le train se met en marche. Nous, nous entamons une conversation à bâtons rompus sur les grades et insignes des armées française et américaine.
Les mots anglais, allemand, espagnols, français accompagnés de gestes multiples, s'entrecroisent dans notre tour de Babel en miniature.
Tout en causant, nous séchons les bidons de pinard. Les américains ont sorti des boites de corned-beef, et cassent la croûte avec notre pain. Ensuite, ils ouvrent des boites de cigarettes et nous nous mettons à fumer dur, tout en continuant à discuter. A l'arrêt suivant, nous descendons et regagnons notre compartiment.
Ensuite, il y a arrêt à Saint-Dizier, car nous devons prendre au passage, des poilus qui rejoignent le dépôt divisionnaire. Je retrouve là Chièze, un ex-copain du 164 qui était avec moi à Verdun, Wassy et Laval, et que j'avais quitté pour aller à Oëlleville. Il a été blessé le 14 juillet à Dugny, près Verdun, par un éclat de 380.
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